Toutes les chances leur paraissaient réunies dans leur camp : repliés sur des lignes de défense plus courtes, les combattants sans uniforme occupaient des positions qui se prêtaient mieux à la défensive — exception faite de Villard-de-Lans, où il y avait trop de maisons d'enfants pour que le bourg ne fût pas déclaré ville ouverte. Les Alliés avaient débarqué en Normandie et tout le monde pensait que leurs divisions ne tarderaient pas à déboucher de la tête de pont; le débarquement Sud paraissait imminent et personne ne pouvait imaginer que, faute de péniches d'assaut en nombre suffisant, Il serait retardé jusqu'au 15 août; des armes et des munitions avaient été promises par Londres puis par Alger et qui pouvait douter qu'elles allaient être bientôt parachutées?
Cet ordre était un simple message personnel, parmi beaucoup d'autres, cette nuit-là : « Le chamois des Alpes bondit. » Quelques jours plus tard, il a été rapporté. Mais il était trop tard : le Vercors était mobilisé. Il n'était plus possible de renvoyer dans leurs foyers le gros de la garnison. Elle s'employa donc à mettre la citadelle en état de défense.
Une certaine irritation ne fut peut-être pas complètement étrangère à la décision que prirent les Allemands de pousser une reconnaissance, une semaine plus tard. Il y avait ce grand drapeau français qui flottait, insolemment, au sommet des Trois Pucelles et qu'on apercevait de Grenoble...
Ils attaquèrent donc et trouvèrent en face d'eux des défenseurs pleins d'allant. Mais, dans une bataille rangée, l'avantage ne pouvait pas ne pas rester à une armée régulière. François Huet le comprit et, plutôt que de défendre la trouée de Saint-Nizier, il replia fort habilement ses unités sur Villard-de-Lans. Les Allemands prirent Saint-Nizier, y mirent le feu et se retirèrent. Mais la porte cochère du Vercors était bel et bien enfoncée.
Ce premier combat avait donné confiance aux maquisards et à leurs chefs. Ils estimaient avoir infligé une correction aux Allemands. Ils ne doutaient pas qu'ils leur feraient subir, le moment venu, une cuisante défaite.